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Les directives psychiatriques anticipées (DPA) et le plan de crise conjoint (PCC) : des outils pour favoriser le rétablissement et le dialogue

  • 14 min

Il est encouragé que votre être cher formule ses directives dans l’éventualité d’une rechute. Dans ce texte, découvrez les deux principaux documents pour se faire.

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Ce texte vise à encourager la personne que vous accompagnez à formuler ses directives dans l’éventualité d’une rechute de ses symptômes, particulièrement en cas de crise psychotique. Il existe principalement deux types de documents pour se faire :

  1. les directives psychiatriques anticipées (DPA) rédigées par la personne en collaboration avec un membre de son entourage, signées par deux témoins, et qui a valeur légale dans certains pays, mais pas au Canada;
  2. le plan de crise conjoint (PCC), initié par l’équipe traitante en collaboration étroite avec la personne qui vit avec un trouble de santé mentale, partagé à des membres de son entourage.

Il existe plusieurs bénéfices à écrire ce type de documents. Nous vous en présentons quelques-uns qui concernent tant la personne elle-même, l’équipe traitante que les membres de l’entourage1 :

  • une augmentation du sens de l’autonomie et du contrôle;
  • la promotion du rétablissement et du mieux-être;
  • une réflexion sur les expériences passées de crise;
  • une amélioration de la communication avec l’équipe traitante;
  • une augmentation de l’adhésion au traitement;
  • la prévention d’hospitalisations involontaires;
  • la prévention de comportements nocifs durant les crises éventuelles;
  • une amélioration de la communication avec les proches et la promotion de l’engagement des membres de l’entourage.

Avant de décrire ce que sont les DPA et le PCC proprement dits, nous traitons de deux documents à caractère légal qui existent au Québec pour consigner ses volontés concernant les soins de santé physique en cas d’incapacité à consentir ou à refuser ces soins.

Le premier est le mandat de protection (anciennement nommé mandat d’inaptitude) par lequel on nomme un mandataire aux biens (pour la gestion de ses finances) et un mandataire à la personne pour ses soins de santé. En général ce mandat est dactylographié et notarié. Mais on peut en rédiger un manuscrit que l’on nomme olographe. Pour son exécution légale, ce type de mandat doit cependant être homologué par un tribunal appuyé sur une évaluation médicale et psychosociale2.

Le deuxième consiste aux directives médicales anticipées (DMA), qui est déposé à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) qui les inscrit au Registre des directives médicales anticipées. Le fait d’être inscrites à ce Registre rendent ces directives accessibles aux professionnels de la santé qui ont l’obligation légale d’en tenir compte. Les consentements ou les refus de soins que l’on exprime en remplissant le formulaire « Mes directives médicales anticipées », qui concernent trois situations, vont s’appliquer seulement si on devient inapte à consentir et que les soins deviennent médicalement appropriés.

  1. En situation de fin de vie (condition médicale grave et incurable);
  2. en situation d’une atteinte grave et irréversible de ses fonctions cognitives (état comateux jugé irréversible);
  3. en cas d’une autre situation d’atteinte grave et irréversible de ses fonctions cognitives (par exemple une démence à un stade avancé).

Pour ces trois situations on consent ou on refuse à l’avance à cinq types de soins : la réanimation cardio-respiratoire, la ventilation assistée par un respirateur ou tout autre support technique, un traitement de dialyse, l’alimentation forcée et l’hydratation forcée ou artificielle.

Pour que ces directives soient valides, le formulaire doit être signé par la personne devant deux témoins. Si jamais elle est incapable de le signer, elle doit désigner un tiers qui le fera à sa place, et ce, devant témoins.

En cas d’urgence, et si on apte à consentir à des soins, on peut exprimer verbalement des volontés différentes de celles indiquées sur ce formulaire qui seront prises en compte par les professionnels de la santé.

Pour ce qui est des directives psychiatriques anticipées (DPA), il s’agit également d’un document écrit au moment où les personnes ont la capacité de prendre des décisions, qui définit à l’avance une conduite à tenir pour l'entourage et pour les professionnels de la santé mentale dans l’éventualité qu’elles expérimentent une crise importante qui ferait en sorte que leur capacité à prendre une décision serait réduite3.

Ces directives sont élaborées par les personnes elles-mêmes avec l’aide d’au moins une personne significative de leur entourage (membres de la famille, amis, professionnels de la santé mentale, pairs aidants, avocats, etc.)4. Tout comme les DMA, pour avoir une valeur juridique, le formulaire des DPA doit être signé devant deux témoins ou devant un notaire. Pour Braun et ses collègues (2023), les DAP sont particulièrement utiles pour les personnes qui expérimentent des psychoses. Mais contrairement aux DMA, ces directives ne sont pas consignées dans un registre.

Selon Frédéric Mougeot et Aurélie Tinland, dans les DPA « les personnes concernées [donnent des indications notamment sur] :

  • leur personne de confiance
  • les signes avant-coureurs d’une crise
  • la conduite à tenir en cas de crise
  • des éléments spécifiques de [leur suivi] dans les services de santé [mentale] qui sont à privilégier. »

Ces directives doivent être partagées avec l'entourage et les professionnels, car leur but est de renforcer la parole des usagers des services de santé mentale et de psychiatrie et d’être un outil au service de leur rétablissement (2020, p. 213).

Les objectifs des DPA

Les principaux objectifs des DPA sont :

  • d’éviter les hospitalisations involontaires;
  • d’accroitre l’autonomie des personnes vivant avec un trouble de santé mentale; c’est-à-dire de favoriser leur rétablissement;
  • de diminuer la discrimination à leur endroit5

Qu’en est-il de leur application au Québec et ailleurs?

Selon Marie-Hélène Goulet et Anne Crocker (2025), il n’y a pas de législation au Canada ou au Québec concernant les DPA ni de législation pour aider les personnes à planifier leurs soins en santé mentale6. On ne peut donc garantir que ces directives seront appliquées par les professionnels de la santé mentale. Cela ne doit toutefois pas vous empêcher d’aborder ce sujet avec votre être cher et son équipe de soins. Les DPA sont un excellent moyen pour favoriser une compréhension commune des attentes et des besoins de chacun, car ils permettent d’être sur la même longueur d’ondes concernant les démarches à entreprendre en cas de crise. Plus ce sujet sera abordé, plus ce type d’outil sera reconnu et intégré par les équipes de soins.

Il faut noter par ailleurs que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déterminé que les DPA et le PCC sont des outils qui favorisent l’autodétermination des personnes vivant avec un trouble de santé mentale7. Dans ce contexte, ces auteures soulignent l’importance d’explorer des pistes d’action en contexte québécois pour leur implantation éventuelle.

  • États-Unis

  • Royaume-Uni, Allemagne, Autriche, Suisse et Nouvelle-Zélande

  • France

Le plan de crise conjoint (PCC)

Étant donné le fait qu’aucune législation concernant les DPA n’est appliquée au Québec et au Canada, on suggère fortement de se tourner vers une forme de plan sans portée juridique, le PCC14. À cet effet, Alex Drolet-Dostater15 a réalisé une étude visant ultimement à implanter ce type de document dans la pratique de soins de santé mentale au Québec. Il relate qu’idéalement, le PCC est écrit à la suite d’une première hospitalisation psychiatrique dans le but de planifier la façon de gérer une prochaine rechute, il est conservé dans le dossier médical de la personne dont des copies sont remises aux membres de son entourage pour lesquels elle consent à ce qu’il soit distribué, et le contenu est révisé régulièrement selon le contexte de vie de la personne. Le PCC a l’avantage de s’appuyer sur la prise de décision partagée entre l’équipe traitante et la personne, ce qui favorise davantage l’alliance thérapeutique. On encourage également la présence d’un facilitateur indépendant pour la rédaction de ce plan pour éviter que les personnes soient influencées à intégrer des éléments qu’elles ne souhaiteraient pas inclure. Ce rôle de facilitateur pourrait très bien être joué par un pair aidant comme le suggèrent les travaux de Mougeot et Tinland, car les « facilitateurs pairs aidants sont particulièrement nécessaires lorsque les personnes n’ont pas encore eu l’occasion d’effectuer un retour réflexif sur leur expérience [du trouble de santé mentale] et de ses traitements (2020, p. 220).

Actuellement, au Québec, plusieurs équipes dans le réseau de la santé mentale se sont adjoint les services d’un pair aidant. Elles pourraient donc recourir aux services de ces intervenants pairs comme facilitateurs pour encourager les personnes à écrire leurs directives en cas de crise.

Étant donné que le PCC est initié par l’équipe traitante, il a probablement plus de chances d’être appliqué en cas de crise.

Au Québec, Geneviève Trempe du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal en collaboration avec l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal a écrit un guide destiné aux intervenants pour aider les personnes vivant avec un trouble de santé mentale à rédiger leur plan de crise. Dans ce guide, on encourage que soit intégré un membre de l’entourage pour sa rédaction.

Que ce soient les DPA ou le PCC, ces documents visent essentiellement les mêmes objectifs, c’est-à-dire de signifier à l’avance ses volontés et ses préférences de traitement advenant une crise.

Mais comme nous venons de le mentionner, le PCC est initié par l’équipe traitante, dans un processus de décision partagée, alors que les DPA le sont par la personne elle-même. C’est donc à la personne à décider, mais nous croyons que les équipes doivent être sensibilisées davantage aux bénéfices que ces directives apportent. Drolet-Dostaler a démontré auprès de 42 participantes et participants dont des personnes ayant un trouble de santé mentale, des gestionnaires, des intervenants de suivi dans la communauté, du personnel d’urgence en milieu hospitalier et des représentants d’organismes communautaires offrant des services aux personnes et à leurs proches que le PCC est compatible avec leurs valeurs, leurs expériences et leurs besoins, entre autres la réduction des hospitalisations involontaires. « Il représente plusieurs avantages comparativement à la pratique actuelle, autant pour la clientèle que pour les professionnels, par exemple une gestion plus efficace et bienveillante des situations de crise et une meilleure concertation entre [les] partenaires du réseau » (2016, p. 2).

Faire équipe pour le mieux-être de tous!

Si votre être cher opte pour ce type de document, il devient dès lors important pour que ces directives soient appliquées qu’une collaboration continue soit instituée entre lui, le ou les membres de l’entourage désignés et les professionnels de l’équipe de suivi. Car si les professionnels imposent un traitement non désiré par votre être cher, sans aucune négociation ou collaboration, cela peut engendrer un sentiment d’impuissance, une résistance au traitement choisi, voire une hospitalisation forcée16 ce qui représente une épreuve – voire un traumatisme – tant pour la personne que pour l’entourage. Mais quand les préférences de traitement sont négociées dans un processus de décision partagée, il devient plus facile de les faire respecter par la suite17. D’ailleurs le fait que peu d’intervenants soient formés à la prise de décision partagée est un des obstacles importants à la mise en œuvre des DPA18.

En conclusion

Les DPA et le PCC représentent des outils efficaces pour favoriser de meilleurs résultats cliniques dans une perspective de rétablissement. Selon les tenants de telles directives, elles ont le potentiel de favoriser le développement du pouvoir d’agir des personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale, d’augmenter leur autonomie et faciliter leur collaboration dans la planification de leurs soins. Ces documents peuvent également favoriser le pouvoir d’agir de l’entourage de la personne qui est souvent chargé de prendre des décisions très difficiles par rapport aux soins psychiatriques mais aussi aux soins physiques en cas d’incapacité à le faire19.

Ceci rend la pertinence de suggérer à votre être cher de penser également à faire consigner ses directives médicales anticipées comme tout autre citoyen peut le faire. On peut citer l’exemple de la ville de New York qui a implanté cette initiative au projet The Bridge qui offre un soutien au logement à plus de 1 400 clients vivant avec un trouble mental dans 26 lieux résidentiels. Avant leur initiative seulement 10 clients avaient rempli un formulaire pour indiquer leurs volontés concernant les DMA; leur nombre a grimpé à 384 en 2021, et 56 % ont nommé des personnes de l’entourage incluant des amis et des membres de la famille comme mandataire20

Même si les directives psychiatriques ne sont pas reconnues comme il se doit au Québec, une mesure formelle, comme le PCC, peut s’avérer un outil fort pertinent. C’est pourquoi, nous vous encourageons à échanger avec l’équipe qui suit votre être cher pour que cette équipe l’accompagne dans la rédaction d’un plan de crise, ce qui peut favoriser une belle alliance entre votre être cher, vous et les professionnels qui interviennent auprès de lui.

À retenir

Si votre être cher n’est pas disposé à remplir ses DPA ou un PCC, il est important de ne pas insister. Remettez-lui simplement les documents en lui proposant d’en discuter plus tard, et suggérez-lui d’en parler avec son équipe de soins. Cela lui laissera le temps d’y réfléchir à son rythme. Vous pouvez également vous inspirer du contenu de ces outils pour engager une discussion en personne. Même si cela ne se fera pas dans un document formel, ces échanges vous permettront tout de même d’aborder le sujet ensemble.

Sources et notes

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